Interview de Sandrine Le Bon, infirmière
En cette journée mondiale des infirmières (12 mai), nous avons donné la parole à Sandrine Le Bon, infirmière et coordinatrice ETP au centre de compétences maladie de Rendu-Osler de Bordeaux.
Comment avez-vous été amenée à travailler avec des patients atteints de la maladie de Rendu-Osler ?
Je suis infirmière depuis 25 ans dans un service de médecine interne où nous prenons en charge de nombreuses maladies auto-immunes, de l’onco-hématologie et la maladie de Rendu-Osler. Nous sommes centre de compétences pour la maladie de Rendu-Osler depuis 2006. Le centre de compétences de Bordeaux est coordonné par le Pr Pierre Duffau et sa collaboratrice le Dr Anne Contis. Deux internistes très dynamiques et possédant une grande expertise et expérience de la maladie de Rendu-Osler. Depuis 2006, la cohorte de patients atteints de la maladie de Rendu-Osler s’est agrandie pour atteindre plus de 250 personnes à ce jour.
Travaillez-vous à temps plein dans une équipe spécifique RO ?
Je travaille à temps plein dans un service d’hospitalisation de jour où nous recevons les patients pour des examens ou pour des traitements. L’équipe est composée des médecins, des infirmiers, une diététicienne, une psychologue et des aides-soignants, tous ont une bonne expérience de la maladie de Rendu-Osler. Nous travaillons aussi en réseau avec les ORL, un radiologue interventionnel et avec un cardiologue du CHU de Bordeaux.
Quels sont les avantages selon vous de travailler au sein d’une équipe pluridisciplinaire pour cette maladie ?
La collaboration développée au fil des années avec tous les interlocuteurs experts permet une prise en charge optimale de la maladie en facilitant l’accès à des soins ou des examens rapides. Tous sont des professionnels hautement formés à cette maladie.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience de travail avec des patients RO ?
Les patients atteints de mRO ont bien souvent un passé médical bien chargé avec un quotidien et une qualité de vie fortement perturbés par des années d’épistaxis quotidiennes. Ces saignements intempestifs parfois pluri-quotidien amène chez beaucoup un repli sur soi voir une coupure sociale. Les jeunes rencontrent des difficultés professionnels et ont besoin d’une réelle reconnaissance socio-professionnelle. C’est aussi chez certains le poids de la transmission qui est compliqué à assumer, ils éprouvent alors une grande culpabilité. Nous sommes alors leurs confidents.
Faut-il des compétences particulières pour une infirmière travaillant avec des patients RO ?
Comme pour toute prise en soins de patients, l’infirmière doit faire preuve d’empathie et de bienveillance auprès des patients mRO qui ont souvent un lourd vécu avec la maladie. Ils ont aussi parfois un temps assez long d’errance médicale avec une perte de confiance et l’évidence d’une fatalité à laquelle rien ni personne ne peut faire quelque chose. Une écoute active est indispensable. Mais c’est aussi des compétences « techniques » qu’il faut posséder comme par exemple pour aborder avec eux la meilleure prévention possible des épistaxis. C’est dans ce cadre que nous avons en 2017, écrit le premier programme d’Education Thérapeutique du Patient atteint de mRO en France, en collaboration avec l’AMRO et son président Mr Coudrette. Le programme se nomme « Mieux vivre ma mRO ». Nous proposons donc cet accompagnement complémentaire au suivi médical à l’ensemble des patients et leur entourage souhaitant en savoir plus sur leur maladie et la gestion de celle-ci, les examens, les traitements et les perspectives à venir. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres personnes qui souffre de la même pathologie et qui rencontrent au quotidien les mêmes difficultés. Lors de ses ateliers animés par des professionnels médicaux, paramédicaux et de notre patient expert, il s’échangent aussi des « trucs et astuces » concernant la gestion de leur maladie. Nous proposons deux sessions d’ETP par an, une session comprend deux journées à 6 semaines d’intervalle, 3 ateliers par journée. Ce sont des journées riches en partages et en émotions.
Comment vous tenez-vous au courant des derniers développements en matière de recherche et de traitement dans la mRO ?
Nous sommes en relation étroite avec le Centre de Référence de Lyon mais aussi avec la filière Fava-Multi. Nous participons régulièrement aux évènements proposés. En matière de recherche, nous avons été promoteur d’un essai thérapeutique « EPERO » et participons aussi aux autre projets initiés par les autres centres. Nous consultons aussi les bulletins trimestriels de l’AMRO, riches en informations diverses.
A votre avis, outre les traitements médicaux, de quel soutien les patients RO ont-ils besoin et comment peut-on les aider ?
Il est certain que les personnes atteintes de la mRO ont fréquemment besoin d’un soutien psychologique. L’entourage souvent démuni ne peut pas toujours répondre à la détresse que peut entraîner cette maladie. Pour les personnes en âge de travailler, ils sont aussi souvent confronter à des difficultés de reconnaissance au sein de leur travail. L’assistante sociale leur permet de constituer un dossier MDPH et de faire valoir leurs droits. L’ETP au sein des centres est à mon avis indispensable et j’encourage vivement tous les centres de compétences à mettre en place des séances d’ETP.
En quoi le fait de travailler avec des patients RO enrichit-il votre expérience professionnelle ?
L’enrichissement principal est humain car c’est souvent une relation de confiance plus étroite qui est liée avec les patients RO. Après des parcours de vie souvent bien compliqués, ils savent que le centre de compétences est là pour eux et que nous sommes présents en cas de besoin. Nous travaillons aussi en équipe pluridisciplinaire et l’expérience de chacun est un plus pour tous.