Entretien avec Sabine Bailly
Nous sommes heureux de célébrer la journée mondiale des femmes scientifiques avec un entretien spécial avec Sabine Bailly qui est directrice du laboratoire Biologie du Cancer & de l’Infection et responsable de l’équipe BMP dans l’angiogenèse et la lymphangiogenèse au CEA de Grenoble.
Question 1: Qu’est-ce qui a déclenché votre passion pour la science ?
La curiosité, le besoin de comprendre. J’étais fascinée par la biologie et la complexité du corps humain. Travailler dans le domaine de la recherche était un objectif que j’ai eu très tôt. J’avais besoin de faire un métier qui me permette d’apprendre tout le temps, un métier où l’on progresse tous les jours, où on forme également des jeunes vers ce métier. Aussi un besoin de faire quelque chose d’utile, de produire des connaissances et faire avancer, même à un tout petit niveau, la Science.
Question 2: Comment avez-vous développé un intérêt pour la mRO ?
Suite à mon recrutement comme chercheur à l’INSERM, j’ai rejoint une unité de recherches à Grenoble qui s’intéressait à une famille de protéines, appelées BMPs (Bone morphogenetic proteins). Avec le Dr J-J Feige, nous avons décidé en 2000 de nous intéresser à un récepteur de cette famille dont les mutations étaient responsables d’une maladie vasculaire rare, la mRO. Travailler sur la mRO nous permettait d’allier la recherche fondamentale en étudiant une voie de signalisation clé pour le système vasculaire et la recherche translationnelle en s’intéressant à une maladie rare. Nous avons très rapidement collaboré avec le centre de référence national de la mRO, dirigé par le Dr H Plauchu et repris depuis par le Dr S Dupuis-Girod, tous deux très impliqués dans cette maladie.
Question 3: Quel est l’impact de votre travail sur la vie des patients atteints de la mRO ?
La mRO est une maladie due à des mutations de deux récepteurs orphelins. Mon équipe a identifié en 2007, les deux BMPs capables de se lier à ces récepteurs. Cette découverte a permis de développer un test fonctionnel pour étudier la pathogénicité des mutations de la mRO, apportant une aide au diagnostic des patients porteurs de ces mutations. Nous avons également développé des souris invalidés pour ces BMPs et montré que cette voie de signalisation était impliquée dans la quiescence vasculaire. Ces résultats en association avec d’autres résultats publiés par d’autres groupes, ont permis au centre national de la mRO de développer le 1er essai clinique qui a fortement amélioré la qualité de vie de ces patients en repositionnant un traitement donné pour le cancer à des patients mRO, le bevacizumab.
Question 4: À quelles difficultés une femme impliquée dans la science doit-elle faire face ?
La difficulté est de mener un métier passion et donc de concilier son travail avec sa vie privée. En ce qui me concerne, je ne pense pas avoir été pénalisée dans mes études ou dans ma carrière de chercheur à l’INSERM par le fait d’être femme. Ce n’est peut-être pas le cas dans tous les domaines de recherche.
Question 5: Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes filles intéressées à devenir scientifiques ?
Si c’est que vous voulez faire, foncez, n’ayez pas peur. Il faut travailler, persévérer et tenter sa chance pour ne rien regretter. Ne jamais se dire consciemment ou inconsciemment que c’est déjà assez bien pour une femme. Je ne vois aucune raison ou limitation à faire ce métier par rapport au fait d’être une femme. Scientifique est un métier exigeant mais passionnant qui donne du sens à la vie.
L’AMRO-HHT-France remercie chaleureusement Sabine Bailly pour sa participation à cette entrevue.